Le Vide by Patrick Senécal

Auteur:Patrick Senécal [Senécal, Patrick]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Thriller
Éditeur: 12-21
Publié: 2015-11-11T23:00:00+00:00

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À la réunion suivante du Conseil, Maxime ne proposa même pas qu’on cesse tout commerce avec les sweatshops. Il savait que l’avertissement de Masina était sérieux. Mais il ne demeura pas inactif pour autant. De façon anonyme, il envoya d’immenses sommes d’argent à des associations qui prônaient la consommation équitable et le respect des droits humains afin qu’elles diffusent dans les journaux et les grandes chaînes de télé un message dont le titre était :

« Lorsque vous achetez des grandes marques, vous favorisez la misère humaine. »

Suivait un texte dans lequel on résumait la situation des sweatshops. Le message nommait plusieurs compagnies « coupables » (Nike, Gap… et, bien sûr, Lavoie). Finalement, on y proposait comme alternative des petites compagnies peu connues mais réputées pour fabriquer des produits équitables. Ce texte parut sur une page pleine du Journal de Montréal, du Journal de Québec, de La Presse, du Devoir et du Soleil, et ce, durant toute une semaine. Le message passa aussi aux trois grandes chaînes de télé, cinq fois par jour : le texte était écrit en blanc sur un fond noir, et une voix grave en lisait le contenu. Il y avait, chaque fois, une petite phrase ajoutée, du genre : « Le journal (ou le diffuseur télé) se dissocie entièrement du contenu de ce message. » Cela coûta une petite fortune à Maxime, mais il s’en moquait : durant cette semaine, il serait presque impossible de ne pas tomber sur sa « publicité ».

Dès le premier jour, Masina entra dans le bureau du PDG sans se faire annoncer, une copie de La Presse entre les mains. Sans brusquerie, il déposa le journal sur le bureau, ouvert à la page de la « pub ».

— Je me suis renseigné, dit-il d’un ton neutre. Je sais que cette pub passe dans les autres journaux, ainsi qu’à la télévision.

En regardant la publicité, Maxime eut une petite moue admirative.

— Que veux-tu que je te dise ? On ne va pas les poursuivre en diffamation, tout de même, hein ?

Masina prit un air déçu. La déception du père qui voit son fils s’adonner à de puériles bêtises.

— Et je suppose que tu es fier, marmonna-t-il.

— De quoi tu parles ? Regarde en bas de l’annonce : c’est payé par « Conso-justice ».

— C’est ce qui étonne le plus tout le monde, ici. On se demande bien où ce groupe a pu prendre l’argent. Ce genre d’associations n’a pas assez de pognon pour un tel tir groupé. Moi, j’ai ma petite idée.

Maxime ne disait rien, soutenait le regard d’aigle de l’Italien. Ce dernier s’installa enfin dans le fauteuil devant le bureau. Son calme était si lisse que Maxime lui-même en était quelque peu désorienté.

— Tu sais que je pourrais te dénoncer au Conseil.

— Tu n’as aucune preuve.

— Tais-toi, fit Masina d’une voix lasse. Je n’aurais aucune difficulté à les convaincre. Mais ton père se retournerait dans sa tombe si la compagnie n’était plus dirigée par un Lavoie, aussi idiot ce descendant soit-il.

Il eut un mince sourire dénué de toute joie.

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